Le caribou

Le caribou est le gros gibier du nord du Québec, aux confins de la forêt boréale et de la toundra. On en trouve aussi quelques troupeaux dans les parties montagneuses de Charlevoix et de la Gaspésie. Quand j’étais enfant et que j’allais à la pêche avec mon père, on rencontrait encore du caribou des bois dans les forêts, au nord du lac Saint-Jean. Les archéologues ont identifié sa présence dans les premiers campements humains répertoriés du Québec, il y a 12 000 ans, dans la région du lac Mégantic; il broutait le lichen qui poussait dans les vallées, au pied des glaciers qui fondaient. Ce caribou est plus petit que l’autre espèce de caribou qui vit au Nunavut et au Groenland. Les Micmacs qui le chassaient dans les Chic-Chocs lui ont donné son nom français; ils l’appelaient kalibou. On a trouvé sa trace, dans les fouilles archéologiques faites à Lanoraie, Trois-Rivières et Québec, au moment où la forêt laurentienne n’avait pas encore été buchée. Le caribou a donc largement nourri nos ancêtres autochtones. Le père Jésuite Allouez raconte en 1660 que le caribou était la nourriture principale des Cris. Ils en faisaient fumer pour l’année et brulaient même leurs panaches à la place du bois pour cuire leur viande. Mais le caribou des bois n’est plus présent dans nos forêts. On en trouve seulement deux grands troupeaux dans le Nunavik : le premier vit dans l’ouest, dans la région de la rivière aux Feuilles, le second vit dans l’est, près de la rivière Georges. Malheureusement, depuis 2012, la chasse est prohibée pour permettre aux troupeaux de se refaire. Lorsque j’étais chef, La Maison du gibier et les Gibiers Canabec étaient les fournisseurs de caribou. C’est une viande magnifique que mes clients adoraient. C’est le gibier sauvage par excellence, avec un gout plus fort que la viande d’élevage, et dont certains morceaux se rapprochent du gout du foie de bœuf. Quand j’étais enfant, mon père en avait reçu en cadeau et ma mère l’avait cuisiné en steak avec une sauce au thé bien poivrée. Il était, jusqu’en 2012, cuisiné par les chasseurs eux-mêmes qui le préparaient en rosbif, en steak, en bourguignon, en hamburgers de luxe, en sauce à spaghetti, en fondue chinoise ou bourguignonne et en saucisses. Les Innus de la Côte-Nord et les Micmacs de la Gaspésie sont aussi de grands amateurs de caribou. Au début du siècle, les chasseurs de Charlevoix avaient tous leur viande de caribou local pour passer l’hiver. On se réfèrera, pour plus de détails, à mon 3e volume, l’Histoire de la cuisine familiale, la forêt, ses régions et ses produits, Partie 2, de la page 1039 à 1057.