Le boeuf

Notre bœuf descend de l’auroch, apparu il y a 500 000 ans, en Inde. C’est l’un des animaux les plus rentables à avoir été chassé par l’homme préhistorique puisqu’il pesait entre 800 et 1000 kg. (cf. grotte de Lascaux où il a été dessiné par l’homme de cette époque) Sa domestication aurait été amorcée, en Afrique du Nord, selon le célèbre archéologue Gordon Childe, au moment de la désertification de la région. L’homme aurait approché l’auroch dans les points d’eau, en l’attirant avec de la nourriture. Il y a 9 000 ans, le boeuf était déjà utilisé comme bête de trait pour faire les travaux de l’agriculture naissante. Le bœuf a donc suivi les peuples indo-européens qui ont envahi l’Europe de l’Ouest, tour à tour, entre 9000 et 3000 ans avant aujourd’hui. Par conséquent, tous nos ancêtres européens lointains mangeaient du bœuf. Les Celtes, les Germains, les Grecs et les Romains en faisaient l’élevage. Mais ce sont les Germains et leurs descendants qui l’estimaient le plus. Les fouilles archéologiques faites dans les régions européennes habitées par les Germains révèlent plus d’ossements de bœuf qu’ailleurs. La christianisation de ces régions a cependant fait baisser la consommation de bœuf. L’Église de l’époque croyait que c’était la consommation importante de bœuf qui était responsable des nombreuses guerres, à l’époque de la chevalerie. D’où l’imposition du jeune catholique pour diminuer la consommation des viandes. Et chez certains peuples comme les Écossais et les Anglais, le bœuf avait encore plus de place dans le menu. En immigrant au Québec, ces deux ethnies ont popularisé de nombreuses recettes de bœuf qui se sont ajoutées à celles des Français, d’origine germanique par leurs ancêtres francs et vikings.

Le bœuf occupe le territoire québécois, de façon discontinue, depuis au moins 1541, quand Jacques-Cartier et Roberval l’ont apporté pour nourrir la première colonie française d’Amérique, à Pont-Rouge, en amont de Québec. Le bœuf était d’abord élevé pour féconder la vache, chaque année, car les produits laitiers occupaient une place prépondérante dans notre culture culinaire. Et il était l’animal de trait par excellence pour labourer et herser la terre, pour tirer les charrettes à foin et à céréales, pour transporter les gros arbres buchés, etc. Il était consommé au bout de son âge. Sa viande devait donc être bouillie ou braisée longuement pour être mangée sans problème. Le bœuf plus tendre était en fait, issue des jeunes taureaux d’un an qu’on devait abattre parce qu’il y avait déjà un bœuf reproducteur. C’est d’abord cette viande que les Écossais du Québec ont appris à élever et nourrir pour nous donner la viande de bœuf tendre que nous consommons aujourd’hui. Ce sont d’ailleurs les Anglais et les Écossais qui ont initié les Franco-québécois et les Irlandais au steak et au rosbif servi saignant. Les Français préféraient la viande bien cuite des braisés et des rôtis de longue cuisson. Le bœuf haché au moulin à viande manuel nous est venu par les États-Unis, au XIXe siècle. Auparavant, la viande hachée devait d’abord être bouillie avant d’être hachée au couteau. Tout était utilisé dans le bœuf qu’on abattait: sa viande, ses os, ses abats et son cuir pour faire des souliers, des sacs et des attaches. La cuisine du boeuf est toujours très diversifiée, dans notre patrimoine. On l'aime en steak, en rosbif, en sauce, en casserole ou en gratin, en hamburger, en ragout traditionnel ou à l'européenne au vin rouge ou à la bière, en lamelles avec de la crème sure ou à la chinoise avec des légumes. La liste est longue dans ce que j'ai répertorié dans nos familles. On lira plus d’informations dans mon 4 e volume consacré à l’Histoire de la cuisine familiale du Québec, la plaine du Saint-Laurent et les produits de la ferme traditionnelle, de la page 977 à 1027.

Rosbif dans l'épaule de boeuf Angus