La cuisine des Atticamèques

Son territoire : La Haute-Mauricie et le Haut-Lanaudière

Les ancêtres des Atikamekw, les Archaïques du Bouclier canadien,  s’y étaient installés dès le moment où la mer de Champlain occupait la vallée du Saint-Maurice, après la fonte du glacier continental. Une série de groupes, plus ou moins indépendants les uns des autres, mais appartenant tous à la culture algonquienne, nomadisaient dans le territoire. Ceux qui habitaient le nord de la Mauricie étaient appelés les Atikamekw par les nations voisines : ce qui se traduit par les Poissons Blancs (corégones). C'est le père Buteux qui parle des Atticamèques, au XVIIe siècle. Aujourd'hui, les Atikameks préfèrent une graphie différente.

Son alimentation 

 Le corégone était le poisson préféré de la culture culinaire algonquienne. L’abondance de ce poisson dans le Plateau laurentien contribua certainement à sa popularité. Tous les Algonquiens qui habitaient à l’intérieur des terres s’en faisaient de grandes provisions en le pêchant au filet, au début de l’automne, et en fumaient tout autant pour l’hiver. La carpe noire ou rouge, plutôt appelée meunier aujourd’hui, représentait de 30 à 40% du reste de leurs provisions de poisson. C’était le garde-manger de sécurité de ces groupes de nomades. Autrement, on le complétait au jour le jour par le gibier disponible, selon les époques et les saisons. En Haute-Mauricie, l’orignal ou le caribou des bois, selon les années, représentait le summum des viandes. Mais leur rareté, relativement fréquente au cours des siècles, fit qu’on se tourna fréquemment vers le castor, abondant dans les terrains marécageux du Nord, vers l’ours noir, le porc-épic, les différentes perdrix de la forêt boréale, les canards et les oies, ou le lièvre qu’on appréciait particulièrement, en Haute-Mauricie. Cependant, selon le témoignage de mes informateurs métis, leurs parents autochtones mangeaient tout ce qu’ils chassaient, même de la martre, du carcajou ou du pékan. Traditionnellement, on mangeait les viandes ou les poissons frais surtout bouillis ou rôtis sur la braise. Les pièces de viande intermédiaires et grasses comme le castor, le porc-épic, les canards et les oies étaient surtout rôties à la corde, suspendues au-dessus du feu, — ce qui permettait au gibier de rôtir et cuire uniformément en tournant tout comme le font les tourne-broche contemporains. Cette technique de cuisson était propre à la grande majorité des nations de culture algonquienne. Ce qui fait que tous les groupes nomadisant dans le territoire cuisinaient à peu près de la même façon, quelle que soit son origine ou son lieu de naissance. Cette observation rend la tâche encore plus difficile aux anthropologues qui veulent clarifier la véritable origine des Atikamekw contemporains. 

De 1630 à 1650, les Attikamèques ou Attikamègues étaient les noms que les missionnaires jésuites utilisaient pour nommer les tribus venues commercer à Trois-Rivières, à partir du haut de la rivière Saint-Maurice. Mais les raids iroquois firent beaucoup de dommages aux populations attikamèques et environnantes déjà peu nombreuses. De plus, l’épidémie de petite vérole qui décima considérablement les populations autochtones du Québec, vers 1660, augmenta considérablement les pertes de population au point qu’on a parlé de la disparition des Attikamèques de la Haute-Mauricie, en tant que nation, entre 1660 et 1670. Seuls quelques individus survécurent en se joignant à d’autres groupes de nomades venus d’ailleurs, comme le signale le père Albanel de passage chez les Kakouchaks du Lac-Saint-Jean qui subirent le même sort : «Les Habitans ont esté extremement diminuez par les dernières guerres, qu’ils ont eu avec l’Iroquois, & par la petite vérole, qui est la peste des Sauvages”, et, de poursuivre le missionnaire, ces territoires commençaient “à se repeupler par des gens des Nations estrangeres, qui y abordent de divers costez, depuis la paix.» (à partir de 1701) Constatant cette disparition, les missionnaires utilisèrent par la suite le terme de Gens venus du pays des Poissons Blancs plutôt que les Attikamèques ou Poissons Blancs comme ils le faisaient auparavant. Puis, ils utilisèrent le terme général de Gens-des-Terres pour nommer ces nouveaux venus. À leur contact subséquent, ils apprirent que l’un de ces groupes s’appelaient les Têtes-de-Boule et ce nouveau nom fut désormais utilisé pour identifier les Autochtones de la Haute-Mauricie. C’est du moins ce que raconte Nelson-Martin Dawson dans Des Attikamègues aux Têtes-de-Boule, paru chez Septentrion en 2003.

Plusieurs anthropologues et archéologues se sont penchés sur ce problème d’identité, en particulier depuis que les nations autochtones ont commencé à faire des revendications territoriales : les enjeux politiques et financiers rattachés à cette question d’identité sont considérables! Ce n’est pas pour rien que les Autochtones actuels de la Mauricie ont décidé, ces dernières années, de s’appeler les Atikamekw, pour exprimer leur filiation directe avec les Attikamègues dont parlait le père Le Jeune, dès 1632. Ils se considèrent comme les Autochtones de la Mauricie, comme des vrais Attikamèques. Ils s’appellent Chachai, Awashish, Nequido, Mequish ou Dubé. Ce débat illustré par quelques ouvrages écrits par Clermont, Sulte, Gélinas et Dawson ne fait que poser le même type de question identitaire que les Québécois se posent, aujourd’hui. Le mot  «Québécois» qui avait une connotation ethnique en 1976, a aujourd’hui une connotation toponymique. Un Québécois, ce n’est plus quelqu’un qui est d’origine française et qui est arrivé dans le territoire, il y a 400 ans, c’est quelqu’un qui a choisi de vivre dans le territoire du Québec et de s’intégrer aux différentes communautés ethniques déjà sur place pour créer une communauté qui partage les mêmes valeurs. Par conséquent, je crois qu’on devrait considérer l’identité attikamèque de la même façon. C’est le pays choisi pour vivre qui détermine l’identité et non plus l’origine ethnique. L’Atikamekw de Weymontachie a sans doute des origines de Tête-de-Boule venues du pays de la Baie James, mais il a aussi du sang attikamèque comme du sang français et du sang innu. Nous sommes tous issus de plusieurs ethnies, comme je l’ai souvent démontré dans mes textes précédents.

Mais pour revenir à l’objet de notre étude, quand on compare la cuisine crie de la Baie James avec la cuisine innue du Lac-Saint-Jean et la cuisine attikamèque de la Mauricie, on voit beaucoup de similitudes. Mais il y a aussi des différences et des préférences. Il y en a une à cause, d’abord, de la latitude du village et de son micro-climat. La nature est plus variée à Manouane qu’elle ne l’est à Obedjiwan. Mais c’est dans les premiers voyages faits à Trois-Rivières, en 1618, que la cuisine attikamèque a vraiment connu les plus gros changements.  Les Atikamekw vinrent commercer avec les traiteurs français et continuèrent de commercer avec les Hurons, comme le raconte le père Le Jeune, une douzaine d’années après la fondation de Trois-Rivières par le sieur de Laviolette, en 1634 : «Les Hurons leur apportent du bled, & de la farine de leur pays, des Rets, & d’autres petites marchandises, qu’ils eschangent comme des peaux de cerf, d’élan, de castors, & d’autres animaux.»

Les Atikamekw ont aussi commercé avec les Français en allant à Tadoussac, dès le début du XVII e siècle. Mais, avec la guerre de 1629 entre la France et l’Angleterre, le commerce des fourrures se trouva bien perturbé au poste de traite de Tadoussac. Ils se tournèrent donc vers leurs anciennes amours et revinrent à Trois-Rivières. C’est ainsi que l’endroit devint le poste de traite le plus important de la colonie et que le village français naissant donna plusieurs coureurs des bois de renom, à l’histoire de la traite des fourrures, en commençant par les célèbres Pierre Esprit Radisson et Médard Chouart Des Groseilliers, fondateurs de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Ils furent suivis de nombreux autres coureurs des bois, originaires des environs, qui parcoururent d’abord le Haut-Saint-Maurice, puis par après, tout le nord-ouest du Canada jusqu’au milieu du XIX e siècle, d’où ils ramenèrent certains goûts culinaires comme le pemmican et la langue de bison fumée. L’un de mes ancêtres faisait partie du nombre. C’est ainsi que, dès le début, la Mauricie s’est bâti une vocation forestière.

Pendant la période où l’agriculture s’est installée au bord du fleuve Saint-Laurent et par la suite dans le Prémont mauricien, du XVII e au milieu du XIX e siècle, on vit simultanément le commerce des fourrures se poursuivre sur les rebords du Plateau laurentien et en Haute-Mauricie. Les Têtes-de-Boule  vécurent pratiquement de ce commerce jusqu’à la disparition du gibier de la région, lors de la construction du Transcontinental et des barrages de la région. Les Oblats visitaient périodiquement leurs villages pendant l’été. Le Père Guinard raconte, dans son journal publié et commenté par Serge Bouchard, des événements de leur quotidien. Lorsque les Amérindiens revenaient vers leur lieu de campement d’été, les petits groupes familiaux aimaient bien se regrouper pour finir leur voyage de retour ensemble. Le Père Guinard écrit : «À l’heure des repas, le groupe s’arrête sur les rives de la rivière ou du lac pour se mettre à fouler la neige avec les raquettes afin de préparer un endroit propice pour s’asseoir et manger. Puis, ils coupent cinq ou six bûches de bois vert sur lesquelles ils disposeront leurs feux pour qu’ils ne s’enfoncent pas dans un trou de neige et ne s’éteignent pas dans l’eau résultant de la fonte de la neige laquelle est provoquée par la chaleur des feux. D’autres hommes abattent de jeunes épinettes qu’ils viennent ébrancher à l’endroit où la neige est déjà foulée. Avec les branches d’épinettes, ils font un tapis qui nous isolera de l’humidité. D’autres apportent du bois sec tandis que quelques-uns disposent des branches d’épinettes près des chiens afin qu’eux aussi profitent de cette protection. Toute la troupe est affairée, si bien qu’en peu de temps le repas sera prêt et la place confortable. Un homme à genoux achève de percer un trou dans la glace avec sa hache et déjà la belle eau froide surgit. Plusieurs chaudrons remplis d’eau et de glace sont suspendus au bout des perches plantées obliquement, juste au-dessus du feu. La viande et les fèves sont déjà dans de gros poêlons en train de cuire. Le pain dégèle, le thé bout et renverse, la viande est cuite, les fèves sont bouillantes : nous voilà prêts pour le dîner. Avant de festoyer, nous remercions Dieu de nous permettre de manger aussi bien. La marche en hiver aiguise l’appétit. La viande disparaît comme par enchantement, si bien qu’on ne voit jamais de restes. La graisse d’ours, la viande d’orignal et le lard trouvent toujours des convives. Dans des tasses en faïence, les participants ingurgitent bruyamment du thé très chaud, très fort et très sucré.» Ce dîner tête-de-boule date de 1891 et l’on voit la cuisine amérindienne déjà bien métissée avec la cuisine d’origine européenne avec le thé, le lard salé et les fèves au lard. Cette cuisine ressemble beaucoup à celle des premiers colons blancs de la Mauricie forestière, des Canayens, comme on appelait les Franco-québécois, autrefois.

Ses activités forestières et l’alimentation

La traite des fourrures, on l’a dit, a été la première activité économique de la région. Ce commerce s’est pratiqué d’abord, à Cap-de-la-Madeleine, puis à Trois-Rivières, entre les nations amérindiennes du Nord et celles du Sud : soit les Atikamekw du Haut-Saint-Maurice, les Abénaquis de Nouvelle-Angleterre, puis du Centre-du-Québec, les Loups venus aussi de la Nouvelle-Angleterre par le biais du Richelieu, puis du fleuve, les Algonquins et leurs cousins proches comme les Outaouais, les Nipissiriniens venus par la rivière Outaouais et le fleuve en  contournant Montréal, et enfin les Hurons venus du nord du lac Ontario ou des alentours de la baie Georgienne. Au niveau alimentaire, les Atikamekw importaient surtout de la farine de maïs, du maïs séché, du tabac et des filets de pêche. En échange, ils apportaient leurs fourrures et leurs rouleaux d’écorce car la Mauricie en était bien pourvue. Quand les Français sont arrivés dans le coin en 1618, d’autres aliments se sont ajoutés au maïs huron : on adopta rapidement les pois secs, le lard salé, les fruits secs et surtout la farine de blé, beaucoup plus riche en gluten que la farine de maïs; on pourrait faire désormais de la bannique, en Haute-Mauricie. Par la suite, de la fin du XVII e au milieu du XX e siècle, la Mauricie a connu une forte activité de traite des fourrures. Beaucoup de trappeurs étaient Amérindiens ou Métis. Leur alimentation était dominée par les denrées locales, il va de soi. Voici quelques noms de trappeurs du début du XX e siècle et une certaine idée de ce qu’ils trappaient et consommaient à l’occasion quand ils étaient dans le bois. Ces données ont été recueillies aux Archives de folklore de l’Université Laval, d’après des interviews de M. Serge Fournier.

Bruno Lord de Shawinigan-Sud dit qu’il a chassé le castor, le lynx, la loutre, le renard, le vison, le pékan, la bête puante, le corbeau et le rat musqué, le lièvre, l’orignal et la martre de roche. Il a pêché au verveux, au flambeau, au fanal. Il a portagé les provisions de chantiers en 1933. Il mélangeait du whisky avec de la gomme de sapin quand il était grippé.

Edmond Casabon de Grand-Mère pêchait à la truite, au doré, au brochet, à la barbotte avec une rets ou à la grand ligne.

Pierre Tremblay de La Tuque chassait le lynx et le lièvre.

Jos Arvisais de La Tuque chassait la martre, le carcajou, l’orignal, le rat musqué et  la fouine.

Léo Lemay de La Tuque mélangeait aussi du gin avec de la gomme d’épinette quand il était grippé. «On mange du wapush (lièvre), du watassé (on passe du poisson blanc (corégone) ou du poisson rouge (touladi ou truite) au moulin à viande, puis on fait des tarquettes de poissons en mélangeant le poisson haché à de la pâte à crêpe. On fait revenir ces tarquettes dans le beurre. La carpe de roche est très bonne à manger (meunier). On mange des amourettes d’orignal ou de moutons, c’est très bon. On fait rôtir des ouawarons dans le bois, avec du beurre.

Mme Jean-Claude Grenier de St-Élie-de-Caxton: Cuisses de grenouilles au beurre à l’ail. On mange du foie de castor, et toutes les viandes sauvages. On fait mariner la tête de l’orignal dans le vin rouge.

Didier Morin de Saint-Alexis-des-Monts; Recettes de castor: castor bouilli avec de l’oignon et du céleri. Du castor cuit à l”étouffé dans un mélange de beurre et de graisse, puis de l’oignon, du lard salé et un peu d’eau. On le mange avec des patates. Queue de castor: plumer la queue en la faisant chauffer sur le feu, elle décollera facilement. Puis la faire bouillir avec du sel et du poivre. C’est son mets préféré.

Gilbert Martial de Saint-Charles-de-Mandeville: son arrière-grand-père avait été enlevé par des Abénaquis. Il racontait qu’il se nourrissait d’orignal faisandé ou séché au soleil, à la tombée de la nuit.

Jean-Baptiste Lemay de Saint-Alexis-des-Monts: s’est déjà nourri de tortue, de loup, d’outarde et de porc-épic.

Zénon Beausoleil et Hervé Beaudoin de Saint-Charles-de-Mandeville disent qu’ils se cannaient de l’orignal au retour de la chasse.

Raymond Lyonnais de Grand-Mère consommait de la fougère tous les printemps en même temps qu’il pêchait la truite.

Ces différents témoignages traduisent parfaitement le contact intime que les trappeurs entretenaient avec la forêt régionale par le biais de leur alimentation.

Les camps de bûcherons répartis sur tout le territoire amenèrent l’installation de dépôts de nourriture, en plein bois, auxquels les bûcherons et les Autochtones purent avoir accès, tout au cours de l’hiver. Au début, les camps de bûcherons étaient approvisionnés par des portageux qui transportaient sur leurs épaules, les denrées déposées, l’automne précédent, dans des caches, creusées dans la terre à la manière autochtone. Par après, on construisit des camps de bois rond qu’on appela des dépôts. 

Pour se rapprocher des biens de consommation des Blancs et de ces dépots, un certain nombre de familles de Weymontachie ont quitté leur village natal pour aller fonder un nouveau village atikamek, qu’ils appelèrent Manouane, au nord de Lanaudière. Cet endroit leur était familier puisqu’ils venaient y passer l’hiver, chaque année. Ces familles s’appellent, entre autres, Ottawa, Flamand, Kewasket, Nabawish.

L’automne, elles faisaient provision de certains poissons comme le corégone et le touladi qu’elles prenaient au filet fabriqué avec du chanvre ou de l’ortie. On  maintenait un côté du filet en surface avec des pièces de bois et on callait le côté adverse avec des pierres attachées au-dessous du filet. Ce poisson était séché et fumé pendant une semaine et conservé pour l’hiver, dans de grands parchemins d’écorce de bouleau, dans un trou creusé dans la terre à l’abri des rongeurs. Dans la même écorce, pliée alors en forme de contenant étanche, on conservait la pâte de bleuets épaisse.

Pendant l’hiver, on chassait l’orignal, le castor et la perdrix alors plus évidente à trouver. Un seul castor pouvait fournir presque 10 kilos de viande! Et l’on en mangeait le plus souvent possible parce que sa fourrure était très recherchée par les traiteurs de fourrure établis à Trois-Rivières ou à Montréal depuis le XVII e siècle, et à Louiseville en Mauricie, depuis la fin du XVIII e siècle. Un groupe d’Atikamekw habitaient alors à Sainte-Émélie-de-l’Énergie et ils se rendaient trafiquer la fourrure au plus offrant en empruntant le lac Matambin, la rivière du même nom, le lac Maskinongé et la rivière du même nom jusqu’à St-Didace puis Maskinongé et  le fleuve Saint-Laurent. Les autres fourrures les plus convoitées par les gérants des postes de traite étaient celles de la loutre et de la martre. On mangeait de ces animaux qu’en cas de famine, cependant.

À l’arrivée de l’été, on chassait tous ces mêmes animaux mais le rat musqué était plus abondant et l’on appréciait particulièrement la chair du huard et du goéland estimé pour son gras et son bon goût. On profitait aussi de la nidification des canards nicheurs et des goélands pour avaler leurs œufs crus ou bouillis en œufs durs. On ramassait de la sève d’érable, de bouleau et de merisier pour faire du sirop et l’on pêchait facilement le poisson qui venait frayer en eau peu profonde comme l’esturgeon jaune, le brochet ou les carpes rouge et noire (meuniers). Vers 1820-1840, on avait peu recours aux produits importés pour s’alimenter sinon en farine de blé, maïs séché, sel, graisse, pois secs, lard salé, haricots secs, sucre et un peu de chocolat. Mais à partir de 1860, la part des aliments d’origine européenne allait augmenter sensiblement dans le budget alimentaire des Atikamekw, à commencer par la farine, le soda, la graisse et le sel avec lesquels on fabriquait de plus en plus de bannique, les jours d’hiver où le gros gibier se faisait rare, spécialement à partir de 1850.

De plus, l’observation des potagers des employés des postes de traite a donné l’idée à plusieurs familles autochtones de se planter des légumes et des pommes de terre aussi, et parfois même d’élever, comme eux, quelques poules et quelques bestiaux de ferme. Manouane, qui est aujourd’hui, le seul village attikamèque de Lanaudière, a reçu un poste de traite de la Hudson’s Bay Company au lac Metapeckeka en 1873 et une petite église catholique en 1895. Manouane devenait officiellement une réserve attikamèque en 1906. Comme on l’a dit déjà, c’est pour se faciliter la vie qu’une dizaine de familles de Weymontachie avait décidé de s’installer au sud de leur territoire de courses nomades, pour faire plus facilement des jardins, pour se rapprocher de leur territoire de chasse coutumier et être plus près de Saint-Michel-des-Saints qui venait d’ouvrir son espace à la colonisation avec tous les services habituels qu’on y connaît : médecin, magasin, acheteurs de fourrures indépendants, etc. On avait accès à plus de produits qu’on trouvait pratiques comme le lait en poudre, les conserves, les sachets de soupe déshydratés, le riz, les viandes en conserve ou les sardines dont on était particulièrement friands.

Dans les débuts de la réserve, on avait plus accès au caribou des bois qu’au chevreuil (cerf de Virginie). Devenus surtout sédentaires, les chasseurs Atikamekw de Manouane doivent, aujourd’hui,  aller plus loin pour s’approvisionner en gibier. Les aliments préparés du commerce ont remplacé malheureusement beaucoup de recettes amérindiennes anciennes!

Quelques recettes atikamek :

Les spécialités du déjeuner 

Bannique attikamèque 

Confiture d'atocas

Fèves au lard au lièvre

Les entrées, collations et petits repas

Orignal fumé aux feuilles mortes et bois pourri à la manière de Manouane

Touladi ou ouananiche fumée à chaud sur de la bannique

Poisson (corégone, ménomini, carpe de roche) séché à la manière attikamèque (pasinowan)

Lanières de gibier séché (kakewok) 

Orignal séché en lèches, saucé dans le beurre fondu 

Ouaouarons rôtis au beurre

Amourettes d’orignal en fines tranches bouillies puis poêlées 

Beignes attikamèques sur le feu de camp (pakwe shikanishish) avec sucre en poudre ou pâte de bleuets concentrée

Les soupes

Bouillon de gibier épaissi (nappane wapo)

Soupe à la carpe (meunier) au riz ou épaissie à la farine de maïs à la manière algonquienne

Soupe au riz au bouillon de perdrix (miromin)

Soupe aux pois au bouillon de gibier (aricimin) 

Soupe de gibier faite dans un plat d'écorce appelé boucaut

Les plats principaux

De la forêt

Les poissons

Brochet entier cuit dans le sable brûlant, servi avec de la bannique et du thé au sorbier bien chaud

Croquettes de corégone crue hachée enveloppées de chapelure et de semoule de maïs, frites dans l’huile chaude

Darnes de brochet cuites dans le gras attenant au foie du brochet, à la manière attikamèque

Watassé(galettes de brochet, corégone ou meunier passé au hache-viande et mélangé à de la pâte à crêpe et cuites dans la graisse)

Truites étêtées et équeutées bouillies dans une poêle rapidement, mangées avec pain et beurre

Brochet au court bouillon avec des pommes de terre entières 

Les oiseaux

Perdrix, canard ou sarcelle à la manière ancienne de Manouane, cuites entières dans la braise

Le gibier

Braisé de viandes sauvages de Noël, à la manière attikamèque (oies sauvages, canards, marmottes et castors)

Estomac d'orignal (le 2 e) farci de son naturel, bouilli avec de l'oignon et des herbes sauvages  (repas rituel attikamèque)

Tranches d'orignal cuites dans la graisse de castor

Tête d’orignal au vin rouge 

Steak d'orignal boucané

Porc-épic rôti sur la braise, bien croustillant 

Queue de castor plumée sur un feu et bouillie, juste avec sel et poivre

Lièvre bouilli (Wapushapwi)

Jarrets d’orignal au lard salé

Foie de castor poêlé avec gelée d’atocas

Étouffé de castor au lard salé et oignons en rondelles

Castor bouilli avec de l’oignon et du céleri

Bouilli de gibier attikamèque (ka kapattek wias)

Amourettes d’orignal braisées à l’oignon et lard salé

Les desserts

Tarte aux framboises et aux bleuets de Koukoum Flamand (grand-maman en atikamekw)

Pouding bouilli à la poche avec un sirop de petits fruits sauvages (rappocin)