Le sel, le gros sel et les sels parfumés

L’utilisation du sel dans les aliments remonterait au Néolithique, au moment où l’homme remplaça la consommation de gros gibier par les céréales. Il est devenu essentiel à la cuisine des premières grandes civilisations européennes et asiatiques au point qu’on a créé très tôt des routes du sel pour en faciliter le commerce. Les religions l’ont sacralisé par des rituels divers qui ont renforcé son importance économique. Toutes les conquêtes du monde se sont produites grâce au sel qui permettait de conserver les aliments pendant plusieurs mois et années que duraient les voyages, à ces anciennes époques. Nos ancêtres celtes, germains et romains se sont même battus solidement entre eux pour un accès direct aux mines de sel. Ce sont les Celtes établis en Haute-Autriche qui aurait découvert, par hasard, la conservation de leur gibier par le sel en entreposant leurs trophées de chasse dans des grottes pleines de sel de gemme. – Ces grottes alpines sont des anciens océans, asséchés lors de la remontée de la croute terrestre qui a formé les Alpes. – Avant cette découverte, les hommes utilisaient le sel des marais salants ou des lacs salés.

Nos ancêtres celtes et germains savaient parfaitement utiliser le sel pour la conservation de leurs viandes et poissons préférés comme le porc, le bœuf et le hareng. Leurs descendants multiplièrent l’usage du sel en ajoutant d’autres aliments à leur garde-manger de longue conservation comme les oiseaux et les herbes. On a alors ajouté la fumée ou le vinaigre au sel pour mieux conserver nos aliments. Le sel du Nord-Ouest de la France d’où viennent nos ancêtres a longtemps alimenté nos ancêtres établis dans la plaine du Saint-Laurent. Ce sont les Basques et les Français qui ont initié les Autochtones du Québec au gout du sel ; ces derniers le connaissaient, mais ne le consommaient pas parce qu’ils trouvaient que le sel modifiait le gout naturel du gibier et du poisson. Mais les Iroquois connaissaient bien le sel à cause des sources d’eau salée qui jalonnaient leur territoire, au sud des grands lacs ontariens. Voici un témoignage de ce fait laissé par le jeune Pierre Radisson alors qu’il avait été fait prisonnier par les Agniers, iroquois du lac Champlain :

« Ils (les Iroquois) prenaient soin de me donner de la viande aussi souvent que je voulais ; ils me donnèrent du sel qui me servit pendant tout le voyage. Ils prirent aussi la peine de le mettre de côté pour moi, n’en prenant pas pour eux. (…) Moi, ayant remarqué cet homme, je lui manifestai plus d’amitié. Je lui fis griller de la viande, la saupoudrant d’un peu de sel et de farine ; trouvant que cela avait du gout, il le donna aux autres comme une rareté, et il ne me molesta plus. »

Le sel est donc un élément-signature de notre culture culinaire. Mais on savait aussi dessaler ces aliments conservés au sel en les trempant au moins pendant 24 h dans de l’eau froide ou en les dessalant par une première cuisson dans une eau que l’on jetait. Toutes les campagnes actuelles contre les excès de sel dans notre alimentation sont aussi conformes avec l’usage du sel chez nos ancêtres. Comme maintenant, certaines gens consommaient trop de sel que la majorité condamnait. On ne savait pas encore les raisons scientifiques des problèmes causés par le sel, mais on en voyait bien les conséquences physiques. On utilisait aussi le gros sel et le sel associé à des herbes séchés qui le parfumaient. Ces sels parfumés aux graines de livèche, de céleri ou de champignons séchés furent utilisés d’abord par les militaires suisses pour nourrir les soldats en campagne militaire. Cela variait leur menu répétitif. Puis l’usage passa dans les familles autrichiennes par la suite. Ce sont les immigrants de ce pays qui popularisèrent cet usage dans certaines familles québécoises, canadiennes et américaines. On complètera cette information en lisant mon article sur le sel dans mon 5e volume, de la page 915 à 922.