Les soupes à l'ivrogne

Voilà un nom évocateur qui rappelle une période de l’histoire de nos familles. Les Français ont apporté leur gout dominant pour l’alcool. Dès l’époque des Celtes et des Gallo-Romains, la consommation de bière et de vin était très importante avec l’ivresse et les excès qu’elle cause. C’était avant tout un problème d’homme ; boire était une façon d’exprimer sa virilité et de transgresser les règles sociales et religieuses de l’époque. Mais l’épouse et les enfants subissaient les contrecoups de cette ivresse parfois quotidienne. L’Église catholique a toujours lutté contre l’ivresse parce qu’elle créait de la violence contre les femmes et les enfants. Des hommes travaillants et bons perdaient complètement les pédales lorsqu’ils étaient ivres. Dans les campagnes ou les villes, les hommes aimaient se rencontrer pour parler affaire ou politique, tout en prenant quelques verres d’alcool. Et ils revenaient souvent tard à la maison alors que la mère avait fait souper et coucher les enfants. Lorsque l’homme arrivait, elle lui improvisait une soupe rapide avec de l’oignon et du pain pour le dégriser. C’est cette soupe que l’on appelait la « soupe à l’ivrogne ». Curieusement, la même coutume se faisait en France, au XIXe siècle. Les Parisiens enivrés allaient manger une soupe à l’oignon et au pain aux Halles parce que les restaurants des Halles étaient ouverts toute la nuit pour donner à manger aux marchands qui venaient porter le poisson, les légumes, les fruits  ou le bétail pour le marché du jour. C’est cette soupe que les immigrants français ont apporté avec eux au début des années 1960.La soupe à l’oignon eut tellement de succès chez nous qu’on créa même des restaurants qui en faisaient leur spécialité.