Le sucre à la crème

Le sucre à la crème est une friandise bien québécoise qui remonte au temps de la Nouvelle-France. On se rappellera cependant qu’au début du XVII e siècle, le sucre était encore considéré comme une épice, donc comme une denrée rare et dispendieuse. Les religieuses hospitalières de Québec et de Montréal s’en commandaient, chaque année, pour ajouter aux médicaments amers qu’elles donnaient à leurs patients. Lorsque l’intendant Talon instaura le commerce triangulaire entre la France, la Nouvelle-France, Port Royal et les Antilles françaises, en 1667, le sucre blanc, la cassonade et la mélasse devinrent plus courants et beaucoup moins dispendieux. Les communautés religieuses se mirent à faire des bonbons qu’elles vendaient aux citadins de l'époque pour leurs œuvres charitables. Les sucreries devinrent populaires en Europe et dans les pays de langue espagnole et anglaise. Du côté français, chaque région créa son bonbon. On le fit donc aussi au Québec, comme en France, avec les produits de la ferme, le beurre et la crème. Quand, en 1701, Agathe de Saint-Père, l’épouse de Pierre Legardeur de Repentigny, eut l’idée de produire du sucre d’érable pour remplacer la cassonade qui arrivait habituellement des Antilles parce que les Anglais de Boston bloquaient la route de ce commerce, chaque fermier commença à produire son sucre d’érable, dans la Plaine du Saint-Laurent, à sa suite. C’est ainsi qu’on se retrouva avec une abondance de sucre abordable pour tout le monde. C’est donc à ce moment-là que serait née l’habitude de brasser un sucre à la crème, chaque dimanche après-midi, comme collation familiale. Qui a inventé la recette ? Cela demeure inconnu. Mais j’émets l’hypothèse que c’est Madame de Repentigny qui le créa puisque les archives racontent qu’elle envoya des dragées de sucre d’érable au roi de France en même temps que des échantillons de tissus québécois qu’elle fabriquait chez elle avec des prisonniers anglais tisserands. Quoi qu’il en soit, l’habitude de faire du sucre à la crème a continué de plus belle après la conquête anglaise. Les Anglais, grands amateurs de sucre,  firent leur sucre à la crème qu’ils appelèrent du fudge. On connait tous le fudge de Laura Secord qui devint l’expression de la friandise canadienne par excellence.