La cuisine du Nunavik

Le Nunavik représente le tiers territorial du Québec avec ses 505 000 kilomètres carrés. Cet immense territoire est constitué, au sud, d’une forêt boréale clairsemée parcourue par de longues rivières; au centre par une terre marécageuse nommée la taïga et au nord par la toundra, sans arbre, rocheuse, avec de belles prairies de fleurs au début de l’été lumineux. Le Nunavik se divise en 3 régions, habitées majoritairement par la nation des Inuit : la Baie d’Hudson, le Détroit d’Hudson et la Baie d’Ungava.

SES GARDE-MANGER

LA MER ARCTIQUE :

Cette mer nordique est riche en poisson, en coquillages et en mammifères de toutes sortes. Ce sont d’ailleurs les mammifères marins qui ont fourni historiquement l’essentiel de la nourriture inuit parce qu’ils sont accessibles à l’année longue, même lors des plus grands froids de l’année. 

Dans le Détroit d’Hudson, l’extrême-nord du Québec, on trouve donc, par exemple, du flétan du Groenland (turbot), du loup de mer (tacheté), de l’omble chevalier plus connue sous le nom d’omble de l’Arctique, aussi bien que des berniques, des bigorneaux, des moules bleues, des oursins et des pétoncles d’Islande. S’ajoutent les généreuses denrées estimées des Inuit, comme la baleine boréale ou franche, le béluga, l’épaulard, le morse, le narval, le petit rorqual et 6 espèces de phoques présentes à des moments différents de l’année. Les oiseaux de mer comme l‘eider, le kakawi et le pingouin complètent le menu animalier marin. Il faut ajouter les algues et certaines herbes des grèves comme la sabline faux-péplus que l’on consomme, entre autres, dans des omelettes aux œufs d’eider.

En Baie d’Hudson, on pêche plutôt divers types de chabots, du capelan, de l’ogac, de la plie et du saumon, dans le nord de la baie. Les buccins, les moules et les palourdes y sont nombreuses. On y aime aussi le béluga et les phoques de même que les bernaches, les bécassines et les goélands argentés.

En Baie d’Ungava, on trouve en plus des aliments cités dans les deux autres régions, plus de poissons de l’Atlantique comme le hareng, la morue, le saumon et la truite de mer. La région est aussi riche en crevettes nordiques, en pétoncles et en moules bleues. C’est la région où l’on consomme le plus d’algues (6 variétés).

LA TAÏGA ET LA TOUNDRA :

Autrefois, il était possible de se nourrir presque partout de bœuf musqué et de caribou. Aujourd’hui, le bœuf musqué sauvage n’est plus vraiment présent dans le territoire. Il a été réintroduit cependant en Baie d’Ungava où on peut le chasser moyennant un permis fort dispendieux. Le caribou est présent en Baie d’Hudson et Baie d’Ungava; sa population est cependant en danger, à l’heure actuelle, et sa chasse est interdite. Les autres gibiers du Nunavik les plus estimés sont les lagopèdes ou ptarmigans que les Anciens appelaient des perdrix blanches. Il y a aussi le lièvre arctique qui est plus gros que le lièvre d’Amérique. Les Inuits consomment aussi de l’ours polaire.  Quand aux lacs du Nunavik, ils sont très poissonneux; on pêche selon l’endroit, de la truite mouchetée, de la truite moulac, du touladi, du cisco, du ménomini, du doré jaune, de la lotte et beaucoup de meuniers rouges et noirs. En Baie d’Ungava, du côté Est, on pêche aussi de la ouananiche. Les plantes sauvages comestibles sont relativement nombreuses au Nunavik et les Inuit en consommaient abondamment, jusqu’à tout récemment. Les préférées étaient des fleurs et des plantes avoisinant les saules arctiques. Les airelles rouges ou bleues, les camarines et les chicoutés sont les petits fruits les plus identitaires du Nunavik.

L’IMPORTATION :

Aujourd’hui, le Nunavik est très dépendant des produits du Sud du Québec pour se nourrir. Quelques expériences de culture en serre ont été faites à Kuujjuaq, par Agriculture Canada, pour la culture de légumes en serre afin de diminuer l’importation. Mais comme le jardinage ne fait pas du tout partie de la culture des Inuits, l’expérience n’a pas eu de suite. Il est pourtant certain qu’avec le réchauffement climatique, il y aurait moyen de diminuer les couts de transport des légumes de façon importante. Mais là encore, l’éducation reste à faire pour mettre plus de légumes dans l’alimentation inuit. Ils préfèrent toujours les aliments sucrés et gras que le Sud leur envoie aussi! 

 

SES FONDATEURS

Les Pré-Eskimaux sont arrivés au Nunavik, il y a environ 4 000 ans. Leurs descendants qu’on appelle les Archaïques arctiques ont habité le territoire jusqu’en 2 500 ans avant aujourd’hui. Ce sont les Dorsétiens originaires de l’Alaska qui les ont remplacés. Lorsqu’ils se sont installés au Nunavik, le climat était beaucoup plus chaud que maintenant; la forêt boréale se rendait jusqu’au Détroit d’Hudson, les gros gibiers terrestre et aquatique étaient aussi abondants. Ils y installèrent une culture matérielle très importante dont les archéologues découvrent les traces, aujourd’hui. Ce sont eux qui se sont installés jusqu’en Baie James, du côté ouest, et en Basse-Côte-Nord, du côté est. Au XIII e siècle, un nouveau peuple venu de l’Asie du Nord, longea les territoires du Nord-Ouest jusqu’au Nunavut et au Nunavik. Appelés les Thuléens par les anthropologues, ces gens remplacèrent peu à peu les Dorsétiens. Leur venue coincida avec un refroidissement très important de la région de sorte qu’habitués aux grands froids du Pôle nord, ils résistèrent mieux que leurs prédécesseurs, les Dorsétiens, à cette baisse des températures. Ils sont les ancêtres des Inuits actuels.

LES TARAMIUT

Ce groupe inuit habite l’extrême-nord du Québec, le long du Détroit d’Hudson et le nord-ouest de la Baie d’Ungava. Comme le courant est très fort dans le détroit, l’eau ne gèle pas vraiment, malgré le froid intense de l’hiver. C’est pourquoi la nourriture ne manque pas dans la région : phoque annelé, guillemots, morses, oiseaux migrateurs, eiders, moules et coques, omble de l’Arctique et saules arctiques comblent les besoins humains. Les premiers produits importés sont arrivés en 1909 avec l’installation du premier poste de traite tenu par la société française Révillon Frères. Les coopératives locales ont remplacé les postes de traite et ce sont elles qui font venir les produits du Sud, aujourd’hui.

LES SIQINIRMIUT

Ce groupe inuit habite le sud de la Baie d’Ungava. Comme la climat est plus doux que dans le nord, la nature est aussi plus généreuse en plantes et animaux. La région voit passer les troupeaux de caribou, comme elle voit monter du Sud, quelques animaux de la forêt boréale comme l’ours noir et l’orignal. Les poissons de l’Atlantique, en particulier le saumon, y sont très présents. La route est aussi moins longue pour atteindre les commodités du Sud. Kuujjuaq est le centre de la région et la capitale administrative de tout le Nunavik. Les Naskapis, une nation amérindienne de langue algonquienne, a aussi habité la région pendant plusieurs années, au temps du Fort Chimo. (Poste de traite de Compagnie de la Bais d’Hudson). En effet, la Compagnie de la Baie d’Hudson y a installé un premier poste de traite, en 1830, suite à l’arrivée de missionnaires moraves arrivée dans la région en 1811.

LES ITIVIMIUT

Ce sont les habitants de la Baie d’Hudson. Ils habitent plusieurs villages de la Côte-Est de la Baie d’Hudson de même que quelques grandes iles, au large au Nunavik, qui appartiennent, aujourd’hui, au Nunavut. Leur région a été découverte en 1610 par Henry Hudson, capitaine anglais engagé par la compagnie néerlandaise des Indes occidentales pour trouver le passage nord-ouest des Indes. La compagnie de la Baie d’Hudson fut fondée par Radisson et Desgroseillers, Français originaires de Trois-Rivières. En 1820, la Compagnie de la Baie d’Hudson ouvrait un premier poste de traite à Kuujjuarapik. Les habitants locaux connurent donc le thé et la farine de blé pour faire la bannique, dès cette époque.

LES FRANÇAIS

Peu de Français se sont établis dans la région sinon des missionnaires franco-québécois appartenant à la communauté des Oblats et quelques agents des postes de traite. Par la suite, dans les années 60, on commença à envoyer des enseignants, des infirmières et des gens des différents ministères du Gouvernement québécois pour offrir les services sociaux, santé et éducatifs aux populations locales. Quelques-uns se sont établis dans les villages en fondant une famille avec des autochtones, mais le phénomène demeure marginal, encore aujourd’hui.

LES ÉCOSSAIS

Les gérants des postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson étaient souvent d’origine écossaise, Ils étaient habitués de vivre en pays froid. Ils initièrent les Inuit aux denrées européennes. Ils transmirent la recette de leur bannok  qui devint, au contact des amérindiens, des banniques, par la suite. Quelques-uns ont aussi épousé des Inuit de sorte que plusieurs autochtones locaux portent des noms écossais.

LES AMÉRICAINS

Ces derniers ont fait quelques séjours importants dans la région lors de la 2 e Guerre Mondiale, entre 1941 et 1945, et lors de l’installation de lieux de défense de l’Amérique, en particulier lors de la Guerre froide entre les États-Unis et l’U.R.S.S., entre 1955 et 1989.

CONCLUSION

La cuisine inuit se caractérise principalement par une préférence généralisée pour les aliments crus, séchés ou faisandés, à cause de la difficulté d’y faire du feu, le bois étant absent dans une grande partie du territoire. Les cuissons se faisaient sur un feu léger dégagé par une mèche qui brule dans de l’huile de phoque. Mais l’arrivée de l’électricité générée par des batteries a permis aux Inuits de se mettre à l’heure du Québec moderne, dans les années 70. On copie beaucoup la cuisine du Canada anglais qu’on voit à la télévision. Malheureusement, la cuisine ancestrale est presque inconnue de la jeune génération qui ne va plus chasser ni pêcher.